L'objectif premier de cette
réflexion est le résumé de la synthèse épistémologique de la communication
proposée par Éric Dacheux. Cette réflexion sera encadrée par les apports de
Feyerabend et de son paradigme relativiste. L'objectif second de ce texte est
celui de concrétiser la compréhension des théories de l'analyse
communicationnelle en les situant dans le contexte élargi de la société
d'aujourd'hui, celle du XXIe siècle.
Feyerabend propose une rupture de
l'école de pensée rationaliste critique où seules les sciences pures sont source
de savoir fiable. Selon cette philosophie, les théories sont falsifiables et elles
doivent respecter le critère de démarcation définit par Karl Popper. Ainsi, les
seules vérités sont celles qui sont observées dans le monde physique qui nous
entoure, celles qui relèvent de vérifications empiriques. D'abord de cette école,
Feyerabend rompt avec cette dernière par souci du respect de la complexité des
influences autres que scientifiques sur l'existence des hommes. En effet, il
encourage la communauté scientifique à s'orienter vers une nouvelle
épistémologie, celle du relativisme. Selon cette école de pensée, la validité
des théories scientifiques, c'est-à-dire l'épanouissement des sciences et des
connaissances, n'est possible que par le croisement, la comparaison et la
contradiction des théories déjà existantes. Cette méthode de pensée et
d'analyse est d'ailleurs reprise par Dacheux dans le domaine de l'étude de la
communication.
Dacheux critique la communauté
scientifique de s'arrêter aux théories selon leur degré d'acceptation dans la
communauté plutôt que d'évaluer leur validité scientifique (2004, p. 62). Pour
remédier à ce souci d'acceptation sociale par les scientifiques, il propose une
synthèse épistémologique des principaux courants de l'étude de la communication.
Selon lui, cette approche rend justice à la complexité du phénomène social
qu'est la communication. Ainsi, il écrit : « on ne peut rendre compte de la
complexité de la communication qu'en utilisant tous les outils théoriques
pertinents permettant d'analyser cet objet social » (p. 63).
De plus, Dacheux reconnaît
l'importance de délimiter son cadre d'analyse. D'abord, il recommande de
privilégier le terme de communication dans le seul contexte des relations
humaines. Ensuite, il explique l'asymétrie entre la notion d'information et la
communication. L'information est une composante de la communication, alors que
la communication ne peut être simplifiée à la seule notion d'information. À cet
égard, il critique Shannon et Weaver d'avoir créé la confusion générale en
parlant de communication à titre purement mathématique (Shannon, 1948). Pour
ces ingénieurs mathématiciens, la communication est quantifiable par sa
transformation en unités mesurables d'information. Ainsi, l'émetteur envoie un
élément d'information (un message) à travers un canal. Dans ce canal, un transmetteur
est chargé de codifier le message en unités mathématiques interprétables par le
système technique exploitée. Enfin, certains bruits peuvent entraver la
transmission de l'information au récepteur. Somme toute, pour Shannon et
Weaver, la communication se mesure en comparant la quantité d'information transmise
par l'émetteur à celle reçue par le récepteur. Comme, il a déjà été mentionné,
le pourcentage de rendement de l'opération est affecté par les bruits
environnants.
Dans le cadre de la théorie mathématique
de la communication, la communication et l'information entretiennent une
relation symétrique : une est le véhicule de l'autre. De son côté, Dacheux
refuse de réduire l'acte communicationnel au simple véhicule d'une information.
Selon lui, la communication requiert la présence et la reconnaissance d'une
signification non codifiable en unité d'information. La simplicité technique du
modèle télégraphique de Shannon et Weaver contraste la complexité sémantique de
la communication et rend donc la notion d'asymétrie proposée par Dacheux
beaucoup plus explicite. La communication n'est pas qu'un outil de transmission
d'informations, mais bien un outil de partage et d'échange des apprentissages
sociaux. Il va sans dire que Dacheux prône la co-construction de sens dans
l'établissement de la communication entre deux individus qui sont en relation.
De plus, Dacheux distingue la
technologie de la communication. Ces deux notions ne sont pas synonymes. La
technologie est une composante subordonnée de la communication, elle dépend de
la communication pour avoir une raison d'être, alors que la communication
existe sans technologie, elle repose sur l'identité d'un individu dans un
contexte social. Sans mieux le dire que Dacheux lui-même : « L'identité
individuelle est donc l'enjeu, la résultante et la condition de la
communication. » (2004, p. 65) Enfin, Dacheux clarifie une dernière confusion,
celle entre la persuasion et la communication. Ces notions sont également
souvent confondues comme synonyme. La persuasion implique un désir de provoquer
un changement chez son interlocuteur, alors que la communication c'est
l'influence intrinsèque établie lors d'une interaction avec un autre individu.
Enfin, la synthèse
épistémologique de la communication de Dacheux se situe dans un contexte où la
communication est envisagée comme une construction identitaire et une
construction sémantique. Sa complexité et son ambivalence peuvent être
analysées selon quatre considérations principales : l'espace, le temps, la
technologie et la situation de communication. L'étude de la communication est enrichie
par son essence interdisciplinaire et ambivalente. « La communication naît dans
l'incompréhension, elle meurt dans la communion, » Dacheux reprend ici la
notion proposée par Feyerabend (p. 70). C'est ainsi que la conclusion ramène à
l'introduction de cette présente réflexion.
Le vidéoclip est un outil de communication permet le mariage de la visée lucrative ou persuasive du message communiqué à celle de l'expérience esthétique complexe rendue possible par le médium (Peverini, 2010). La vidéo combine le graphisme informatique, l'image et le son. Cette combinaison des éléments a pour but la démonstration du savoir-faire de l'institution et la séduction de l'auditoire par l'entremise d'un élément culturel, la musique contemporaine (Scopsi, 2010). La multidisciplinarité même du médium explicite la pertinence de la synthèse épistémologique de la communication proposée par Dacheux. La communication est elle-même un objet d'étude interdisciplinaire et complexe. La présentation de la vidéo « McGill Dances for Cancer Research Lipdub » a pour but de valider la réflexion critique proposée précédemment. La relation qu'établit la vidéo avec son auditoire en est une qui mène à la création d'une signification identitaire tant pour les acteurs du médium que pour les récepteurs du message. Les participants dans la vidéo s'identifient d'abord à la cause de la recherche sur le cancer et ensuite à leur institution, soit l'Université McGill. L'auditoire, quant à lui, s'identifie à la musicalité contemporaine et à l'enthousiasme des acteurs. Le message « la recherche est dynamique et amusante à McGill » est donc intrinsèquement lié à celui à la visée plus économique de promotion du savoir-faire et des capacités scientifiques de l'institution. La construction sémantique de la communication ici établie relève de la relation, de l'interaction, établie entre l'émetteur et le récepteur dans le contexte de la société de l'information.
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